Je pensais que ça allait être plus difficile, largement plus difficile. Je pensais que le fait de trimer 10 heures par jour avec rien dans le ventre (ou deux tisanes dans le meilleur des cas) et des pensées obscures et mélancoliques allait me bousiller la santé. Je pensais que le rythme lit-chiottes-douche que j’ai entretenu durant ces deux semaines de « vacances » allait être effroyamment (joli barbarisme !) délicat à effacer. Mais que nenni !
Et pour cause : je suis affectée en ce moment à une vraie classe de Bisounours !
Alors il y a plusieurs raisons au fait qu’ils soient si sympa : déjà la classe a été non-équitablement constituée (aucun redoublant, petit effectif -seulement 25-, aucun élève ne présentant problèmes comportementaux ou difficultés scolaires). Parce que c’est un double niveau.
Alors en héritant de ce remplacement je me suis dit que j’étais abonnée aux doubles niveaux, que je ne sais pas ce que j’avais fait pour mériter ça (à part abandonner mon précédent poste en petite section de maternelle en pleurant dans les jupons de la secrétaire de l’inspection – si, si, j’ai pleuré, littéralement !-) et que mon dernier double niveau m’avait demandé tellement d’investissement que je n’avais pas la force !
Mais en fait : si… Et encore mieux, c’est qu’ils me la donnent, la force !!
Déjà, je connaissais déjà le quart de la classe, je les ai eu en CE2 il y a deux ans… Et dans ce quart là, forcément je savais déjà qu’il y avait tout plein de mignons. Billy par exemple, fou amoureux de moi (il faut dire que je suis physiquement la copie conforme de sa môman -Oedipe, quand tu nous tiens-). Ce gamin lorsqu’on allait à la piscine, il se noyait pour pouvoir me regarder tandis qu’il nageait !
Ensuite, le professeur que je remplace est un excellent maître : l’ambiance de classe est vraiment extra. Aucune moquerie ni aucune compétition inutile ne perturbe l’alliance du « groupe classe », et ça je peux vous dire que c’est rare !
Alors concrètement la classe Bisounours c’est quoi ?
C’est une classe où je n’ai (presque) jamais besoin de demander le silence, les regards et la présence suffisent… Le matin je les laisse tranquilou rentrer dans la classe, s’asseoir, sortir leurs affaires, et immédiatement après j’ai un silence attentif et curieux… Ouais parce que ça aussi ça contribue à rendre l’ambiance Bisounours : la curiosité !
Ils sont avides de tout, mais carrément… les leçons d’histoires sont des cocktails de questions plus intéressantes les unes que les autres (Bon, à part Chris qui me demande si le chien du tableau de la Saint-Barthélemy est protestant lui-aussi…). Mais je vous assure que ça fait plaisir de parler à des élèves qui en ont quelque chose à foutre de ce que vous leur raconter…
La classe Bisounours, c’est aussi la classe qui sert d’exemple…
La directrice en conseil de cycle : « Agoaye, qui proposes-tu de maintenir ? (= redoublement)
– Bah, euh… Personne… Enfin si, moi ! Je peux rester ? alllleeeeezzzzz…. s’il vous pléééééé….. »
Quand des punis d’autres classes sont envoyés chez moi (ou certains que je punis moi -ouais, ça m’arrive, sinon je m’ennuie-), j’entame un débat et mes élèves se chargent de réprimander les garnements incriminés.
« Vous savez, les toilettes c’est pas un lieu pour jouer, en plus chacun de nous a droit à son intimité alors on a pas très envie de voir des garçons dans les toilettes des filles… » Yeah… j’ai même pas à faire semblant d’arbitrer le truc, ils s’en chargent eux-même !
La classe Bisounours, elle compatit aussi… Il m’est arrivé d’être tellement naze que le matin je leur ai dit que c’était pas le jour de m’embêter et qu’ils fallait qu’ils se tiennent à carreaux : eh bien ça marche ! Un élève n’est pas là ? le lendemain ils se battent pour lui expliquer ce qu’il a raté ! Un élève part, malade, en laissant ses affaires en plan ? Ils rangent tout bien ET lui copient ses devoirs en prime !
Et puis surtout, la classe Bisounours, c’est des élèves individuellement Bisounours… Clara qui m’amène du chocolat tous les jours parce que je lui ai dit que j’étais gourmande (je l’ai stoppée depuis…), Léo qui vient me montrer tout fier chaque dessin géométrique qu’il fait durant les moments d’autonomie, Lila qui me remercie de faire la grève parce que je me bats pour (je cite) que « les journées d’écoles soient mieux », Julie qui s’inquiète de savoir si son écriture parfaite est suffisamment lisible pour moi, Lise qui me ramène un mot de ses parents qui me félicitent pour mes leçons (je cite encore) « complètes et variées »…
J’ai plein d’autres exemples mais vous allez finir par croire que ma vie est belle donc je m’arrête là !
En tous cas, reprendre le boulot m’a fait du bien, et dans ces conditions encore plus… j’ai déjà hâte d’être à jeudi !
[…] tenu la matinée sans pleurer devant les gamins, mais là, je n’en peux vraiment plus. Ma directrice me conseille de partir, d’aller […]
[…] oui, c’est une maman d’élève qui m’a refourgué Sophie ! La maligne s’est calé au portail un beau matin de juin et […]
[…] Je suis instit’….. Je rencontre mes collègues femelles, mes collègues mâles mariés à mes collègues femelles, des papas, des peintres municipaux graveleux, des livreurs de colis non francophones, des Piumfs de 57 ans et des enfants de 6 à 11 ans… Alors ? je pioche dans quel tas ????? […]
[…] Là où je travaille, on peut tout à fait décider de suivre ses élèves, ou de rester d’un côté du bâtiment ou pas, ou de faire tourner les salles de classe (et donc de déménager tout notre mobilier), on peut aussi passer du CP au CM2 d’un claquement de doigts. […]