Jour de combat


Ma vie d'écrivain / vendredi, janvier 26th, 2018

Il était poisseux mais continuait vaillamment de ramper.
Moi je le regardais de loin et je le voyais tenter de s’extirper, je voyais le sang, je voyais les lambeaux déchirés de ses vêtements souillés.
Ce n’était pas la peine que j’intervienne.

J’étais bien préparée, pas lui, voilà tout !
J’attendais ce jeudi depuis plus d’une semaine. J’avais vu l’annonce et j’ai tout de suite compris que c’était pour moi. Évidemment je savais que je ne serais pas la seule à me lancer dans la compétition.
C’est pourquoi je me suis entraînée tous les jours précédents.

Au niveau physique je ne suis pas ce qu’on appelle habituellement une athlète, mais je ne suis pas non plus totalement inactive. J’ai choisi de travailler la cardio afin de pouvoir tenir le coup aussi bien dans l’effort immédiat que dans le stress que cet évènement allait provoquer chez moi.
J’ai fait des squats, j’ai couru tous les jours, de plus en plus loin et à un rythme de plus en plus soutenu.

Je savais que je devais m’entraîner en rapidité également, alors j’ai fait des parcours, je me suis chronométré et ai joué à de vieux jeux d’adresse qui croupissaient dans mon placard. Le Jungle Speed en particulier m’a bien aidé. Certes je jouais seule, mais mes réflexes s’affinaient, et mon geste devenait de plus en plus précis.
Je savais que ça pouvait être un atout de taille.

J’ai aussi soulevé des haltères et fait quelques pompes. Il fallait que je réveille mes muscles des bras.
Je n’ai pas coupé mes ongles, je savais qu’ils pourraient me servir. En revanche je les ai traités au vernis durcissant chaque jour. C’était ma botte secrète, j’avais des griffes à sortir si la situation commençait à m’échapper, ça me rassurait quelque part, j’avais l’impression d’avoir une longueur d’avance.

Mais peut-être que les autres participants allaient eux aussi avoir des ruses, je devais me préparer à tout… J’ai regardé beaucoup de vidéos de combats à mains nues sur youtube, j’ai parcouru les sites de self-défense, je suis même tombée sur des blogs assez obscurs de par leur violence ou leur idées. Qu’importe, je les ai lus aussi, je me suis aussi bien préparée mentalement que physiquement.

Ce jour-là, je ne flancherai pas
Je ne serai pas faible
Je ne me laisserai pas marcher sur les pieds
J’aurai ce que je serai venue chercher
Je ne repartirai pas les mains vides
Je ne serai pas une perdante

Je vaincrai


Lorsque le jour est enfin arrivée, j’ai su très rapidement que j’avais bien fait de mettre toutes les chances de mon côté avec mon entrainement car il y avait énormément de monde se pressant devant les portes encore fermées.

Nous ne nous regardions pas. Nous n’étions plus des voisins ou des amis, nous n’étions plus égaux, nous étions des adversaires et chacun d’entre nous savions que dans l’épreuve que nous allions endurer, personne n’aurait de pitié, personne n’entraiderait personne, alors autant commencer dès l’arrivée.

Lorsque le combat a commencé, tout s’est enchaîné très vite.

Nous avons couru pour arriver dans la mêlée puis tout est devenu flou.

J’ai vu des gens tomber. J’ai vu des mains tendues. J’ai vu des yeux exorbités. Tous avaient la même volonté farouche de décrocher le Gros lot.
On me marchait sur les pieds, on m’a donné des coups de coude, on m’a étouffé entre deux torses puissants. J’ai cru ne pas y arriver.
Puis j’ai repris confiance, je suis préparée, je peux y arriver, je vais le faire et tous les coiffer au poteau. C’est un combat, c’est mon combat !
J’ai poussé, j’ai marché sur les pieds, j’ai lancé mes mains et mes ongles vers le précieux Trophée. J’ai griffé des bras nus, j’ai même arraché une touffe de cheveux avec ma main gauche qui me protégeait tandis que la droite avait enfin atteint son but !

Il a ensuite fallu que je me dégage, protégeant mon Bien. Ce n’était pas chose aisée. Mais j’y suis parvenue après quelques efforts.
Pas l’homme qui était à côté de moi. Lui est tombé dans le verre d’un pot cassé. Il saignait et essayait d’éviter les talons des autres. Il s’en était mis partout.

J’étais libre.
J’ai pu aller payer mon précieux pot de Nutella a 1€41.
Je me suis retournée une dernière fois.
Il était poisseux mais continuait vaillamment de ramper.

22 réponses à « Jour de combat »

  1. Je commence vraiment à bien te connaître … au bout du quatrième paragraphe je commençais déjà à sourire me disant que peut-être je voyais ou tu voulais en venir . A « Je vaincrai » j’étais quasi certaine … et au fur et à mesure de ma lecture des lignes suivantes mon sourire s’élargissait et je jubilais . J’adore cet article , d’abord parce que je retrouve cet humour et cette écriture incisive que j’aimais tant quand J’ai commencé à te lire il y a un peu plus de trois ans et parce que fière de moi , J’ai décidé l’énigme somme toute assez rapidement . Merci pour le sourire béat qui flotte sur mes lèvres.

    1. Rho merci beaucoup.
      Je voulais écrire un billet à chaud, et puis je me suis souvenue que j’avais une amorce en attente, et elle collait alors… :)
      Maintenant je vais pouvoir lire les autres :)

  2. Génial !!! Enfin, pas le sujet… En même temps, à mi-chemin je n’ai pu m’empêcher de penser aux soldes, il s’avère juste que c’était un autre produit et un cas un peu plus grave… Les gens sont fous, rien de nouveau sous le soleil.

    En tout cas, le texte est formidable :)

  3. ahhhhhhhhhh génial!! je me demandais quel était cet objet de convoitise!!! j’étais morte de rire à la fin… c’est vrai qu’il y a eu des scènes de ce genre il y a peu de temps, d’après le bref coup d’oeil que j’accorde aux infos!!!
    Bien vu en tout cas!!!

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